C'est une histoire qui commence un lendemain de fiesta mais pas trop.
Une fête un peu arrosée, une soirée courte, calme, un bon barbecue. Deux bières et deux Vodka Fraise. Rien d'excessif.
POurtant le lendemain, je me sens mal, très mal. Comme si j'avais bu trois casiers de bières et dix litres de vodka. J'ai la nausée, je suis épuisée, j'ai mal à l'estomac.
Nous sommes le 19 mai. C'est le week end de Pentecôte. Mon médecin ne bosse pas. Je le vois le 20 mai. Il m'envoie faire une prise de sang sur le champ.
Au vu du résultat, il me prend un rendez vous d'urgence chez " le meilleur des meilleurs des hépatalogues, le Dr Machin"le 26 mai. Entretemps ma copine qui bosse à l'hôpital m'a pris un autre rendez vous d'urgence pour une échographie abdominale, le 24 mai.
Le Dr Machin me reçoit.
Il n'a pas deux mais moins mille de tension et ça, déjà, je n'aime pas. J'ai l'impression de ne pas être visible à ses yeux... A part jeter un oeil sur ses papiers, regarder son écran, être pendu au téléphone et noter des choses qu'on lui communique par téléphone, le tout ponctué par des " oui, c'est ça" ou "oui ... bien sûr"... tout ça sans UN SEUL regard vers moi.
Il raccroche et ne me dit RIEN.
Mon stress au max, je tente de rester calme en demandant " Alors, qu'est ce qu'ils ont vu ?"
- " Difficile à dire....."
- " Pourquoi ?"
- "..faire d'autres examens...."
- "Donc en l'état actuel, vous ne savez pas ce que j'ai, j'ai bien compris ?"
- "oui, c'est ça"
Impatience niveau 3000 sur une échelle de 10.
Envie de le secouer, de lui tirer les deux cheveux qu'il lui reste, de casser ses lunettes mais je demande juste
- " Bon ok, donc il n'y a pas de lésion ?"
-"Oui c'est ça"
- "je ne dois pas être hospitalisée ?"
-"oui c'est ça"
Il continue de remplir ses putains de papier et me dit
- " Il va falloir vous faire hospitaliser"
Mon sang ne fait qu'un tour (mais genre à 85.000 tours minute)
- "Attendez... vous finissez de me dire que je ne dois pas être hopsitalisée"
-" Oui c'est ça "
et là je pète une case
- " COMMENT OUI C 'EST CA ???? Je ne comprends rien à ce que vous me dites !!!!"
et là, cerise sur le champ opératoire, praline dans le gant de chirurgien il me sort
- " Cela n'a aucune importance. Tant que moi je comprends".
Je me suis levée d'un coup. Je l'ai regardé droit dans les yeux. Et lui ai craché " SI C EST IMPORTANT. ON PARLE DE MA SANTE. DE MA VIE. PAS DE VOUS !!!!"
Et je suis partie en jurant que je ne mettrai plus un pied chez ce connard suffisant.
Mon médecin traitant, perdu (comme souvent dans des cas urgents) ne me comprend pas et tente d'insisiter pour que je continue avec lui, arguant que c'est LE spécialiste de la région, de la wallonie, de la Belgique... du monde aussi ?
Je lui dis que je m'en fous. Que je ne veux plus le voir et qu'il me fasse tout de suite une demande d'hospitalisation, afin que tous les examens soient faits rapidement.
Il me la fait et me la tend. Nous sommes le 27 mai.
" Vous ne téléphonez pas pour me faire admettre ?"
" Non, vous pouvez y aller maintenant"
Sauf que ça ne va pas comme ça. Sauf qu'HEUREUSEMENT pour moi, j'ai une copine infirmière dans ledit hôpital qui va m'y faire entrer. Pourquoi a-t-il agi comme ça ? Je dois encore lui demander, car je ne l'ai plus revu depuis.
Batteries d'examens, prises de sang. Soldat docile, je fais tout ce qu'on me dit. J'ai la chance que la Gastro Entéro soit une personne humaine, compétente et à l'écoute.
Au moment de quitter l'hôpital, elle me demande d'attendre....
Elle trouve que le rendez vous fixé est trop lointain. Elle me "prescrit" une irm et on se revoit deux jours après "j'aurai les résultats"
Sauf que deux jours après le mec qui fait les irm est en congé et a verrouillé les résultats. Elle me téléphone, embarassée, et me fixe un rendez vous le lendemain à plusieurs kms de chez moi...
C'est ce jour là, le vendredi 17 mai que je l'entends m'annoncer qu'il y a peu, très peu de chance pour que cela ne soit pas un cancer du pancréas.
Je vacille un peu. Je reçois ça comme un coup de poing dans la mâchoire de mon âme. Je chancelle. Je me reprends. J'ai peut-être mal compris. Mon regard pose la bonne question apparemment, car elle me répète... " Je suis désolée... mais il y a peu de chance pour que cela ne soit pas un cancer"
Je pense à mes enfants, à ma fille. A son papa mort d'un cancer il y a un peu plus de 4 ans. Elle avait à peine 11 ans. Elle n'en a pas encore 16. Mon cerveau de guerrière se met en route... et pose des questions précises " Guérissable ? Comment ? quand ? "
Elle me demande de repasser une endo-échographie pour confirmer la tumeur. Elle m'explique qu'il subsite un doute. Qu'on ne peut pas attaquer un kyste avec de la chimio ou à contrario une tumeur avec " de l'aspirine".
Je comprends. Elle m'a pris un rendez vous d'urgence. Le soldat qui est en moi se redresse et dit qu'il fera tout ce qu'il faut pour se soigner, guérir et vivre.
Je sors de consultation un peu sonnée, je pleure un peu je crois, je ne m'en souviens pas. J'ai peur. Mais en même temps j'ai confiance en moi, et en mes capacités d'affronter. Heureusement, je ne suis pas seule. MeilleurAmidemoi est là. Il trouve les mots, les bons, pas ceux que je ne veux pas entendre.
Nous sommes donc le 17 mai.
Je repasse un examen (le même qu'il y a deux semaines) le 22 juin
On vient me chercher, on me parque dans un couloir, on m'amène en salle d'op. PERSONNE ne m'adresse la parole. Ils sont trop occupés à féliciter une jolie blonde (médecin ? chirurgien ? anesthésite ? va savoir, elle non plus ne s'est pas présentée...) J'entends quelqu'un dire " Bonjour Docteur Truc" (celui qui va me faire la ponction)...
Exaspérée de toute cette indifférence, mais avec l'oxygène dans le pif et un morceau de plastique genre SM en bouche, je veux leur faire savoir que je suis un être humain, avec des sentiments et tout ça et donc j'émets un borborygme qui en fait veut dire "Eh oh, je suis là, vous pouvez juste un peu prendre ça en considération ?"
J'entends la blondasse rire en disant " Trop taaaaaaaaaaaaaaaard"
Et me réveille une heure plus tard.
Nous passerons sur le fait qu'ils m'avaient oubliée pendant une heure en salle de réveil et que MeilleurAmideMoi se faisait "un peu" de mouron en m'attendant (on avait dit "ça dure une heure" - je suis partie plus de deux heures)
Bref, j'attendais les résultats définitifs, le verdict, ce lundi 27 juin.
Nous sommes le 29.
Je n'ai AUCUNE NOUVELLE.
Tous ces jours, quand on vous soupçonne un cancer, semblent une éternité. L'impression de passer à côté de jours précieux où on pourrait se soigner. Avoir des projets. Planifier des choses. Et surtout rassurer ses proches. Savoir c'est quand même important non ?
Mais non, c'est comme la pendule au salon qui dit "oui.. tu as un cancer", "non.... tu n'as pas de cancer" et puis qui vous attend. Comme cette nuit, pour compter les minutes d'insomnie.
Je ne sais pas ce qui ne fonctionne pas dans leur système de communication... mais visiblement, il y a de gros soucis à beaucoup de niveaux et de gros travaux à entamer pour rendre la route plus droite.
Je n'espère même plus avoir des nouvelles par téléphone demain.... mais je sais que je suis en train de bouillir à l'intérieur et que ce n'est bon pour personne. Surtout pas pour moi.
PS : les mots queje ne veux pas entendre, lire sont " bats toi" "t'es une battante" "je connais quelqu'un qui a guéri" "je connais quelqu'un qui en est mort" " ma tante Alberte a eu ça et elle va bien "
Je me bats. Je suis une battante; Moi aussi je connais des gens qui en guérissent et qui en meurent. Je n'ai pas besoin qu'on me dise ça. Je le sais.
J'ai besoin de considération, d'humanité, et bienveillance et de non violence.
Le cancer, c'est déjà fort violent.
Et aussi, ne pas savoir c'est violent pour le moral.